Gwenaëlle

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Tombée dans les livres dès l'enfance, je suis aujourd'hui toujours passionnée par l'écrit. Ecrivain public, j'aide les autres à mettre en forme leurs idées. Blogueuse, je partage mes coups de cœur littéraires. Maman, je lis des histoires à mes enfants... Vous pouvez me retrouver surSKRIBAN

roman

Sabine Wespieser Éditeur

24,35
Conseillé par
6 mai 2010

Dans le Vietnam des années 50, à la suite d’une injustice, Bê, jeune fille de treize ans, est exclue de son école et contrainte de prendre la route pour aller retrouver son père, responsable d’une garnison à la frontière du pays. Accompagnée de sa meilleure amie, la fillette va faire, en chemin, la connaissance de plusieurs personnes, tantôt bonnes, tantôt mauvaises et s’initier ainsi peu à peu à la vie, à ses beautés, à ses dangers. C’est un véritable roman d’initiation, empreint d’une grande humanité, pétri aussi par une culture orientale qui ne fait pas de l’homme le centre de l’univers… Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Ces vers me sont venus à l’esprit quand j’ai refermé ce livre que j’ai lu presque d’une traite… Je vais essayer de vous expliquer pourquoi…
Ordre : L’écriture de Duong Thu Huong est d’une grande clarté. Son style fluide laisse couler aussi bien les mots que l’histoire, dans un beau mélange d’odeurs, de couleurs et d’émotions. La construction rigoureuse du récit n’apparaît pourtant pas aux yeux du lecteur, tout entier captivé par l’histoire de la petite Bê. Et pourtant il se déroule, implacable, alternant descriptions et péripéties, moments de joie ou de peine, à l’image même de la vie de l’enfant.
Beauté : Elle s’exprime d’abord par les paysages. Flamboyants en fleurs, herbe verte des chemins, pluie comme une cascade argentée, rondeurs des collines… Les contrastes de couleurs, les effets du soleil et de l’eau, la limpidité d’une rivière. Tout y est admirablement décrit, sans que jamais cela devienne lourd ou envahissant. La nature, la ville forment les décors où Bê et son amie évoluent, influant sur leurs humeurs et leurs actions. La beauté s’exprime également par certains personnages dont la bonté et la douceur rayonnent tout au long du livre. La mère de Bê, son maître d’école, ce vieil homme rencontré dans la montagne, le soldat, le médecin : tous jouent un rôle très important dans ce roman de formation qui raconte l’évolution d’une petite gamine de 13 ans qui découvre le monde. Enfin la beauté, c’est aussi tout simplement cette histoire, véritable hymne à la vie!
Luxe : C’est un luxe bien différent de celui de nos sociétés modernes. L’auteur excelle par exemple à décrire les mets préparés par les uns et les autres, une cuisine simple et roborative qui flatte le palais des personnages mais aussi celui du lecteur! Soudain, on prend conscience de ce plaisir sain : manger quand on a bien faim! Le luxe, c’est aussi l’épaisse veste de coton ouaté qui permet de garder la chaleur du corps, le poêle dans la cuisine, quand le crépuscule noie la maison de brouillard. Le luxe, c’est la main qui se tend quand l’enfant croyait que tout était perdu…
Calme : Il émane de l’ensemble de cette histoire une véritable sérénité car l’auteur ne joue jamais sur un suspens créé de toutes pièces. Ce qui m’a étonnée, c’est le calme relatif avec lequel les adultes prennent ce départ. Si la mère de Bê est inquiète, elle imagine que les événements ont poussé sa fille à aller chercher refuge chez des parents. Le fait qu’elle ait pris la route ne la perturbe pas plus que cela. Une forme de confiance est accordée aux enfants et surtout, ce genre d’aventure fait partie de la vie. Les gens rencontrés en chemin forment tout autant les jeunes filles que leurs propres parents. Chaque expérience est emmagasinée, telle un précieux grain de riz et toutes ne prennent leur sens qu’une fois le périple achevé.
Volupté : Volupté de la lecture, tout simplement. De se laisser emporter par un récit captivant, dans un pays méconnu, à une époque révolue. Volupté de s’abandonner, de s’immerger dans une belle histoire. Volupté de lire (enfin!) un bon livre!
En bref, vous l’avez compris, une lecture extrêmement enrichissante , qui rassasie l’esprit et les sens, que je vous recommande!

Conseillé par
6 mai 2010

Le roman d’Henning Mankell pourrait se résumer par l’intersection flamboyante de trois trajectoires : un vieil homme solitaire et bougon qui, seul sur son île, rumine les échecs de sa vie; une vieille femme malade et obstinée qui veut tenter de renouer quelques fils épars avant de disparaître; une jeune femme, adepte de boxe, de projets utopiques et d’escarpins chics. Il se trouve que ces trois-là sont liés à vie puisque Fredrik et Harriet, autrefois amants, sont les parents de Louise. Glace, forêt, mer. Père, mère, fille. Thèse, antithèse, synthèse. Dans ce livre beaucoup de choses vont par trois. A la manière de mouvements musicaux qui s’enchaînent. Moderato, andante, allegro…
Je n’ai pas vraiment envie de résumer davantage l’histoire et les trajets étranges qu’elle suit. La quatrième de couverture fera ce travail bien mieux que moi… Il suffit de dire que ces trois-là se trouvent, se retrouvent et apprennent à vivre un peu mieux, au contact les uns des autres. Les chaussures italiennes, c’est une histoire sur la vie et les choix que chacun fait. Quelles conséquences ont ces choix et comment on peut – ou non – les assumer. Réflexion au sens large sur la paternité, la maladie, la solitude, la peur, l’amour, l’art et les idées qui nous mènent par le bout du nez, ce roman démontre surtout que le « vivre ensemble » est la seule chose à même de compenser l’absurdité de la vie. A force d’attention et de patience vis à vis de ceux qu’il aime, l’Homme apprend à adoucir les contours d’abord rugueux de son existence pour en faire quelque chose d’abouti, peut-être pas une œuvre d’art mais, à l’image de ces escarpins italiens, un lieu sûr, unique et confortable où l’Etre peut s’exprimer clairement, dans toute sa complexité.
Mon bémol – pour rester dans la métaphore musicale – concerne simplement quelques longueurs dans l’histoire, comme si l’auteur, par moments, s’égarait un peu, avant de retrouver la puissance du courant. L’écriture d’Henning Mankell, sobre et fluide, s’écoule donc tantôt vivement, tantôt avec calme et son histoire suit les circonvolutions d’une rivière intérieure dont les méandres ne présentent pas tous le même interêt. Mais toujours elle sonne juste et, quand le lecteur referme le livre, c’est avec l’impression d’avoir côtoyé des personnages qui l’accompagneront longtemps encore.

Conseillé par
6 mai 2010

L’histoire se déroule en Bretagne, du côté d’Hennebont au milieu d’un XIXème siècle furieusement industriel.
A la suite de la mort en couches de sa femme, Adrien Le Guerno quitte son emploi et un environnement qui n’en finit pas de lui rappeler sa douce Célie et se fait embaucher, à quelques kilomètres de là, aux Forges d’Hennebont. Là, les conditions de travail dans les hauts fourneaux sont telles que les hommes tiennent dix ans, tout au plus… Logés dans des maisonnettes insalubres, gagnant à peine de quoi vivre, mal nourris, les ouvriers et leurs familles tentent tant bien que mal de survivre.
A quelques centaines de mètres de là, le propriétaire des Forges, Eylau de Kerviléon vit luxueusement dans un manoir que tout le monde appelle le Château. Impitoyable et plein de haine, ce patriarche n’a que faire des états d’âme de ses ouvriers et c’est avec son avidité coutumière qu’il développe ses projets, dont l’un d’eux consiste à marier sa petite-fille, Virginie, à un parti intéressant. Celle-ci, longtemps maintenue à l’écart des affaires et d’une réalité sordide, sort, par la force du mariage, de son cocon. Elle découvre très vite qu’elle n’est qu’un bel oiseau enfermé dans une cage dorée, et qu’à ses pieds, des hommes et des femmes, en raison d’une naissance moins favorable, triment comme des bêtes, et meurent pareillement.
Conscience ouvrière chez Adrien, conscience féministe chez Virginie : ces deux-là ne peuvent que se trouver! Mais dans cette société extrêmement codifiée et hiérachisée, une femme ne peut pas avoir d’amant et encore moins si celui-ci n’est qu’un simple ouvrier…
Nathalie de Broc noue, dans son roman, une intrigue romantique sur fond de révolte ouvrière. S’appuyant sur une solide documentation, elle dresse un portrait évocateur de la classe ouvrière bretonne dans ce XIXème siècle de tous les changements, et cela sans jamais tomber dans l’excès. Son héroïne, Virginie, symbolise l’éveil d’un certain féminisme qui ne peut se satisfaire de la condition de mineure réservée aux femmes. Et la justesse de son analyse rend, à elle seule, l’histoire intéressante. La narration est alerte, sans longueurs ni digressions excessives. Les personnages, attachants, éveillent notre empathie. Et l’espoir est au bout du chemin…

roman

Buchet-Chastel

10,15
Conseillé par
6 mai 2010

Voilà un petit livre que je qualifierais volontiers d’anecdotique…
L’histoire – un peu étrange quand même – se résume en quelques lignes. Une jeune mère a pris un congé de maternité et s’est installée chez son père pour profiter de son enfant et de la campagne environnante. Or, voilà qu’un camion blanc, garé dans la rue où elle vit, devient une véritable obsession. Pourquoi est-il là? Qui en est le propriétaire? Pourquoi ce dernier ne profite-t-il pas des parkings publics? Le propriétaire est rapidement contacté mais le camion ne bouge pas. L’héroïne sent alors déferler en elle une haine qui la pousse à commettre des dégradations de plus en plus graves sur le camion. Ce dernier semble concentrer sur lui tous les sentiments refoulés de la jeune femme qui, en vrac, a du mal à s’adapter à son nouveau rôle de maman, ne supporte plus son corps, craint que son mari de lui en préfère une autre, s’inquiète pour la santé de son père et ne se résigne pas à la mort de sa propre mère…
En un peu plus de quatre-vingt pages, l’auteur déploie une écriture fine et intéressante mais malheureusement, ne fait qu’effleurer son sujet, dans un format qui tient plus de la nouvelle que du roman. C’est un peu dommage. Je m’interroge sur l’interêt de publier ce genre de petit volume qui se lit vite, s’oublie aussi rapidement, et pour finir n’apporte rien d’essentiel au lecteur, sinon l’esquisse très légère d’une réflexion sur des sujets rebattus.
Un peu d’humour, de la finesse, quelques remarques qui sonnent juste sur la passage de l’enfance à la maternité. Oui, mais est-ce suffisant pour faire un roman? La démonstration ne m’a pas convaincue…

Conseillé par
6 mai 2010

Dans la novlangue de notre monde moderne, Moon est une SDF, une sans-abri qui vit dans des cartons, près de la boutique d’une fleuriste, dans une ville de province. Depuis le trottoir où elle a élu domicile, elle observe les gens qui traversent la place, entrent et sortent des boutiques, au fil des saisons. Jamais pathétique, Moon. Au contraire. Elle essaie de tenir bon et vend ses sourires aux passants contre quelques piécettes. Elle n’est pas toute seule : il y a Comète, son chiot et puis Boule, Michou et Suzie avec leur caddie, Fidji, son homme et Slam qui sort de prison. Un jour, Moon a une idée : faire un cadeau à Fidji, celui qu’elle aime, pour son anniversaire. Oui, c’est ça, elle va écrire une histoire rien que pour lui. Peu à peu, sur un carnet volé, avec un bic volé lui aussi, elle commence à écrire des bribes de mots, des pensées, des histoires…
Reprenant une phrase célèbre, certains disent qu’on ne naît pas écrivain, on le devient… Est-ce que Moon est née écrivain? Ou bien au contraire est-ce la rue qui l’a fait devenir? A suivre son histoire, il semble que les mots ont toujours flotté en elle mais que personne, ou presque, ne pouvait les entendre… Même pas elle, véritable tête de mule qui ne fait jamais ce que les autres attendent , qui a l’impression de ne savoir que décevoir ceux qui espèrent et qui, à force de décalage, ne sait plus rien. Comment on mange. Comment on dort dans un vrai lit. Comment on espère… La vie l’a forcée à se blinder et une fois la muraille défensive construite, Moon se rend compte que ce n’est pas si facile d’en sortir.
Juste, drôle et sincère, ce joli roman fait pousser des fleurs sur le bitume et des idées folles dans la tête d’une jeune fille dont la vie part en vrille. Des remarques qui font mouche, de très jolis passages et l’espoir comme un fil conducteur : pas étonnant que ce roman remporte du succès et ait les faveurs d’un grand nombre de blogueurs et blogueuses. Il m’a pourtant laissé un sentiment mitigé et j’ai été partagée entre l’enthousiasme et la déception. Enthousiasme pour les raisons que je viens de citer. Déception parce que ce joli conte de fées, où le sordide est tenu en lisière, où la rue prend souvent un côté « bonhomme » et sans danger ne sonne pas juste à mes oreilles. L’auteur a fait un conte moderne et charmant mais on a beau y chercher la Bête ou le Grand Méchant Loup, on ne les trouve pas…