3, Orages sur le Nil T3 : Le triomphe de Seth, Orages sur le Nil***
EAN13
9782352870319
ISBN
978-2-35287-031-9
Éditeur
Archipoche
Date de publication
Collection
Romans français (3)
Séries
Orages sur le Nil (3)
Nombre de pages
480
Dimensions
17,8 x 11 cm
Poids
276 g
Langue
français
Code dewey
843
Fiches UNIMARC
S'identifier

3 - Orages sur le Nil T3 : Le triomphe de Seth

Orages sur le Nil***

De

Archipoche

Romans français

Indisponible

Autres livres dans la même série

DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

Jeanne de l'Estoille :

La Rose et le Lys.
Le Jugement des loups.
La Fleur d'Amérique.

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue
et être tenu au courant de nos publications,
envoyez vos nom et adresse, en citant ce
livre, aux Éditions Archipoche,
34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-3528-7669-4

Copyright © L'Archipel, 2004.

PREMIÈRE PARTIE

LA PUISSANCE DE SETH

1

Le scandale funèbre

Saisi d'un soudain bien-être, le lion se coucha sur le dos et se tortilla, frottant sa crinière contre les pieds de sa royale maîtresse, Ankhensep-Amon. La tête renversée, la gueule ouverte, il tourna vers elle des yeux énamourés. Ses pattes battirent l'air, il émit un grognement de plaisir.

Le ciel était doux, une brise pareille à un souffle de jeune fille voletait sur la terrasse du palais de Thèbes, taquinant les robes des quatre femmes qui s'y trouvaient, trois dames d'honneur et la reine Ankhensep-Amon. Elles sirotaient du jus de grenade dans des verres bleus de Syrie, ornés d'un filet d'or, en égrenant les ragots de la Cour et de la ville.

Ankhensep-Amon se pencha en souriant et effleura le mufle de l'animal. Il lécha la main fine et parut se titiller la langue sur la grosse bague d'or, cadeau de Tout-Ankh-Amon : un scarabée de turquoise portant le double cartouche du roi et de la reine.

— Cet animal t'est dévoué comme un chien, observa la première dame d'honneur.

— Il m'a guérie, répondit Ankhensep-Amon.

Elle faisait allusion à l'horrible faiblesse qui l'avait saisie quand, apprenant la mort de son unique amour, Pasar, au cours d'une partie de chasse truquée, elle avait avorté1. En désespoir de cause, et avec l'approbation du médecin Seferhor, la vieille nourrice Sati, l'adoratrice du Cobra, avait fait venir au chevet de la reine l'un des deux lions de la ménagerie. Toute la Cour connaissait l'épisode qui leur avait été rapporté par Sati. Elles n'en parlaient évidemment jamais devant la reine, pour ne pas réveiller des souvenirs pénibles.

— La bonté de Sekhmet est infinie, dit l'une des dames d'honneur.

À ce nom, le sourire d'Ankhensep-Amon s'évanouit. Elle médita sur les mystères des dieux ; Sekhmet, la lionne, était déesse de la vengeance. Or, elle avait vu, ces dernières années, tant de vindictes dévaster le royaume qu'elle en avait la nausée. Était-ce Sekhmet qui les avait inspirées ? Lui avait-elle envoyé l'un de ses fils pour la consoler ?

Mais comment aurait-elle pu se consoler de tant de chagrins ?

Les prêtres des cultes anciens s'étaient vengés de son père Akhen-Aton, qui avait prétendu les reléguer dans l'oubli, attendant que le sable du désert les engloutît, eux et leurs dieux. Il était mort. Une vengeance des clergés ? De l'armée ? De Sekhmet elle-même ? Néfertiti, sa mère, s'était vengée du demi-frère et favori de son époux Akhen-Aton, Semenkherê, et l'avait chassé du pouvoir. Elle était morte, à coup sûr empoisonnée. Et Semenkherê l'avait suivie au tombeau après dix-sept mois de règne, empoisonné lui aussi. Était-ce la vengeance de sa propre sœur aînée Maket-Aton qui avait agi ? Car celle-ci s'était prise d'aversion pour sa propre aînée Merit-Aton, qu'elle soupçonnait d'avoir trempé dans l'empoisonnement de Néfertiti ; toujours était-il que Merit-Aton avait disparu 2. Qui donc s'était vengé de Semenkherê ? Elle ne le savait que trop bien : son propre grand-père, Aÿ, impatient de monter sur le trône. Tout-Ankh-Amon avait succédé à Semenkherê. Et qui, cette fois encore, s'était vengé de lui ? Aÿ encore.

Vraiment, Sekhmet était-elle sa protectrice ?

Elle se rappela les colères de Merit-Aton quand, de retour à Akhet-Aton, elle avait découvert les traces des séances de magie auxquelles Maket-Aton s'était livrée, contre elle et son époux Semenkherê, évidemment.

Les sortilèges avaient été efficaces puisque Merit-Aton et son amant n'avaient échappé à la mort que par la fuite.

Elle était trop jeune alors pour saisir la profonde horreur qui régnait dans les palais des Deux Terres. Le pouvoir y changeait les humains en fauves. Tout conflit devenait un duel à mort. Elle le comprenait maintenant qu'elle était veuve de Tout-Ankh-Amon. Et pas seulement de lui, mais aussi du maître des Chevaux, son ami d'enfance, puis son amant. Pasar. Bien-aimé Pasar, que l'éternité te soit douce.

Je suis veuve de moi-même, se dit-elle.

Aÿ avait enfin obtenu ce trône qu'il convoitait depuis si longtemps.

Elle tenta, en vain, de chasser les images du couronnement auquel elle avait dû assister, figée sur le trône comme épouse virtuelle de son propre grand-père. C'était la seconde fois qu'elle occupait ce même siège cérémoniel : la première, elle avait été l'épouse de la victime et la seconde, celle de l'assassin.

Sati avait arraché à Seferhor une potion à base d'une herbe amère et l'avait tendue à sa maîtresse :

— Bois. Tu en auras besoin.

Elle avait plus confiance en la nourrice qu'en quiconque au monde depuis la mort de Pasar.

— Qu'est-ce que c'est ?

— De l'extrait de kât. Il te donnera des forces et t'insensibilisera assez pour que tu puisses supporter l'épreuve.

Elle avait donc bu. Les interminables rituels au temple de Karnak lui étaient cette fois apparus comme un cauchemar. Le pire avait été quand le féroce vieillard avait fait le tour des bâtiments, symbolisant la prise de possession de son domaine. Il était escorté des prêtres portant les masques des dieux. Elle attendait sur son trône que cette mascarade fût terminée.

Par Amon, un vrai cauchemar ! Quand le cortège avait accompli son périple et qu'il était revenu dans le temple, avançant solennellement dans la haie des prêtres agitant leurs encensoirs, des notables et des ambassadeurs, elle avait vu Anubis, avec son museau pointu et noir de chacal, se jeter sur Aÿ et le déchiqueter ! Elle aurait juré qu'elle avait vu une jambe du nouveau pharaon, démembré comme un mouton, traîner dans l'allée.

Saisie d'une joie mauvaise, elle avait tendu le cou et serré les mains sur les accoudoirs. Fantasme fou ! Aÿ, coiffé de la double couronne, était revenu s'asseoir près d'elle. Elle avait confusément compris que sa vision était l'effet de la potion administrée par Sati.

Dernière des trois épouses royales, elle était reine pour la deuxième fois. L'aînée, Merit-Aton, s'était enfuie avec son amant et père de son fils, Néfer-Herou, et la puînée, Maket-Aton s'était suicidée sans le vouloir, victime de sa jubilation haineuse quand elle avait appris la mort de Semenkherê3.

Elle regarda l'horizon de l'Est, vers le Grand Fleuve, songeant au paysage qu'elle contemplait dans son enfance, celui des jardins de roses qui s'étendaient au pied des palais, sur les berges du Grand Fleuve.

Elle revit le cerf-volant que Pasar faisait voler pour elle et crut humer encore l'odeur de la vase, quand il pêchait pour l'amuser. Elle vit de nouveau se tortiller dans le panier les poissons qu'il tirait de l'eau.

Ankhensep-Amon avait maintenant vingt et un ans ; ils pesaient comme cent.

Une reine sans roi. Sans enfant. Sans rien. Rien, presque une statue décorative.

Elle revécut aussi l'horreur des funérailles de Tout-Ankh-Amon, incroyablement bâclées par Aÿ.

Quand elle était entrée dans le tombeau de son époux, au Siège de Maât, elle avait reconnu avec stupeur des éléments du mobilier funéraire de son père Akhen-Aton, de sa mère Néfertiti, de son beau-frère Semenkherê !

Faute de temps, en effet, les émissaires d'Aÿ avaient pillé trois tombeaux royaux, même ceux de la nécropole d'Akhet-Aton, où gisaient les sarcophages d'Akhen-Aton et de Néfertiti. Ne sachant où prendre les meubles requis d'urgence, ils y avaient prélevé pêle-mêle des sculptures en bois et en albâtre, des vases, je ne sais quoi, y compris des objets destinés à la demeure d'éternité de la feu reine. Mais allez savoir, dans ces garde-meubles funèbres qu'étaient les tombeaux, quels objets appartenaient à qui !

Ils avaient dépouillé les morts d'avant-hier pour installer le mort de la veille ! Le suprême blasphème.

Faute de temps, oui, car Aÿ était effroyablement pressé de se faire couronner. Il tremblait que son ...
S'identifier pour envoyer des commentaires.