La course du chevau-léger, roman
EAN13
9782260016236
ISBN
978-2-260-01623-6
Éditeur
Julliard
Date de publication
Nombre de pages
114
Dimensions
20,6 x 13 x 1,2 cm
Poids
160 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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La course du chevau-léger

roman

De

Julliard

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Plus qu'un roman, une leçon de vie, d'humour et de style
Jérémie n'était là que depuis dix minutes lorsque l'homme en blouse blanche passa devant lui. Son badge indiquait lisiblement " Docteur Belaviste, psychiatre ".
Il s'élança.
? Docteur !
Celui-ci ralentit le pas, mais sans s'arrêter, l'air contrarié. Il eut un mouvement de menton qui pouvait signifier : quoi encore ? Mais l'homme à la pèlerine et au chapeau noir n'avait pas l'air d'un patient, ni même d'un impatient ordinaire. Et comme il présentait sa photo, le toubib ne crut pas devoir l'écarter.
? Oui, je pense connaître cette personne... C'est vous qui avez importuné ma secrétaire ?
? Il est dans la nature des secrétaires d'être importunées... Et qui n'a jamais été importun ?
Le docteur Belaviste eut un mince sourire.
? Écoutez, on m'appelle toutes les trente secondes, j'ai des consultations en attente, des visites à effectuer dans les étages, je pars demain... Rappelez-moi dans huit jours.
? Il s'agit d'une personne en difficulté, en perdition peut-être, je dois absolument retrouver sa trace.
Après un bref instant d'hésitation, Belaviste lança :
? Bon, alors suivez-moi.
En se dirigeant vers une armoire métallique, il ôta au visiteur son chapeau et son manteau et lui tendit une blouse.
? Enfilez ça.
Comme un stéthoscope dépassait d'une poche, Jérémie voulut le déposer dans l'armoire.
? Non, gardez-le. On vous tiendra pour un médecin.
En blouse blanche et stéthoscope, Jérémie suivit le psychiatre le long d'interminables corridors, dans des ascenseurs, des chambres surchauffées. Entre deux visites, deux échanges rapides avec des infirmières ou les internes de service, arpentant les allées ou adossé à la paroi d'un monte-charge, Belaviste lui livrait quelques informations.
? Elle était arrivée avec un poignet cassé, je n'aurais pas dû la voir : c'est un interne qui m'a fait appeler. Je l'ai d'abord prise pour une enfant gâtée en mal de sensations. Addictions diverses, alcool, marijuana et autres : elle s'était mise dans un drôle d'état. Agressive, tout d'abord. Et puis, une fois calmée, parlant très doucement, séductrice un peu, mais profondément désemparée. Son existence n'avait pas d'importance, elle n'avait pas demandé à naître, air connu... En contradiction avec elle-même, pourtant. Au fond, elle se sentait une star méconnue, mais pour rien au monde elle n'aurait consenti à faire quoi que ce soit pour être reconnue... Excusez-moi.
La surveillante d'un poste d'infirmières lui apportait une fiche.
? C'est la patiente qui s'est défenestrée ?
? Oui. Enfin... La police est venue l'interroger. On soupçonnait un problème de maltraitance, de la part du père ou du frère... Une cheville foulée et des hématomes, sans gravité.
- Bon, fit Belaviste à Jérémie, venez avec moi, ça vous changera les idées.
Toute tentative de suicide, réelle ou supposée, vous fait automatiquement placer en garde à vue psychiatrique. La société n'admet pas qu'on veuille la quitter, elle tient à comprendre pourquoi, à dégager sa responsabilité en cas de récidive peut-être. Au fond, elle doit préférer les suicides réussis, les affaires classées.
Cette adolescente noire de la banlieue est ne semblait pas disposée à s'expliquer. Il fallait lui arracher les monosyllabes. Non, elle ne s'entendait pas avec son père, avec son frère non plus. Oui, sa mère était partie. Non, elle n'avait pas mal. S'il lui arrivait de fumer un joint de temps en temps ? Des fois.
? À quel étage habitez-vous ?
? Au rez-de-chaussée.
? Au rez-de-chaussée ? (Belaviste se tourna brièvement vers Jérémie.) Bon. Vous allez dormir. Vous verrez un de mes confrères demain matin.
? Docteur ! on vous attend en réa, pour une T.S.
L'interne signifiait ainsi qu'un patient réclamait l'assistance d'un psychiatre, après une tentative de suicide, au service de réanimation, deux étages plus haut.
? C'estdimanche... Les solitaires se sentent encore plus seuls...
Passent les jours et passent les semaines / Ni temps passé / Ni les amours reviennent..., se récita Jérémie en pénétrant dans l'ascenseur.
? Y a-t-il une frontière, ou même seulement une distinction, entre le mal et la maladie ? demanda-t-il à Belaviste qui esquissa un sourire désabusé.
? On peut faire là-dessus des conférences de plusieurs heures, rédiger des études de cinq cents pages... On peut aussi répondre simplement : non, il n'y en a pas...
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