Disparaître

Enfermées dans la maison paternelle comme des fleurs en pots, un bouquet de jeunes filles aux noms de flore tente de vivre et s'épanouir dans une famille défaite et désorganisée. Fannées par la honte et la maltraitance, elles survivent pourtant comme des fleurs sauvages au milieu de bien étranges dangers.

Il est entré dans la maison en courant, bruyamment, tout excité, sur le point d'exploser, et nous l'avons entendu et senti avant même qu'il ne se mette à produire ces cris horribles que nous connaissons si bien et qu'il ne devait jamais plus émettre. Il est entré comme un enfant, un enfant sauvage, hors de lui, sans respecter ce que nous pourrions appeler le rythme tranquille de ces murs, sans s'arrêter, comme si la maison n'était qu'une étape dans sa course folle, sans pouvoir contenir l'excitation que lui procurait le fait d'amener ça avec lui, et quand il a commencé à crier, à beugler, tous, nous avons tous couru vers lui.
Que criait-il? Criait-il « Venez! »? Criait-il « Ça va tomber si vous ne vous dépêchez pas »? Ou « Venez vite voir ce que je vous ai apporté »? Je ne peux me rappeler ses mots parce qu'à ce moment-là je n'ai pas pu les entendre. Encore aujourd'hui, après toutes ces années, il me semble sentir ce ton dans les moments terribles, quand j'ai l'impression que, pour un caprice, l'univers est sur le point de s'écrouler.

Publié au Mexique en 1987, Mejor Desaparece est le roman fondateur du style propre à Carmen Boullosa, auteur prodige de la littérature hispanique contemporaine, aujourd'hui saluée par la critique internationale.