Á l'heure du dernier train

Extrait de la postface :
À l’heure du dernier train, personne n’est épargné ; il est préférable de vous en avertir. Ceci me paraît être le plus urgent des commentaires que je souhaiterais vous proposer ; notez bien l’emploi du présent conditionnel ; j’aimerais, je voudrais, je pourrais ; autant de désirs inaboutis.
Pourquoi ne peut-on pas refaire le passé ! Peut-être que c’est mieux, car si je pouvais, je travaillerai mieux à l’école, donc j’irai en 6ᵉ et j’aurai fait de belles études lucratives. Mais voilà j’ai été au Certificat D’études Primaires, j’ai travaillé et mon chef m’a donné des coups de cordes à nœuds sur la tête.
Le prolétaire songe à ses fiançailles ; impuissant à rebâtir la ligne de départ, au-delà des hangars, il contourne le bois : un arbre s’y trouve ; il pourrait s’y pendre.
Le vieil homme qui a toujours trouvé trop brève la lutte prend la pleine conscience de son impuissance. Il se remémore ses orgasmes les plus fastueux avant de ne plus parvenir à s’en souvenir, en loque sur le lit d’un sinistre hôpital.
Le poète aurait pu clore son fabuleux ouvrage avec une ligne de coke, un peu de rhum et un médicament, mais il n’est pas encore parvenu à grimer le ciel, à comprendre les mots d’une femme, à la connaître, à l’enlacer. Il rêve à ce qu’il aurait pu lui répondre. Il aurait voulu avancer, mais il a peur du vide.
À l’heure du dernier train, personne n’est épargné.
Sarah B. Cohen