D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds

Jón Kalman Stefánsson

Gallimard

  • Conseillé par
    21 septembre 2020

    Ex-poète reconverti en éditeur, ex-mari de Þóra qu’il a humiliée et trahie, Ari revient en Islande après deux années passées à Copenhague. Le cœur lesté de regrets, il rentre au pays pour son père qui serait au plus mal. La perspective de revoir Keflavík, ce coin de l’île sinistrée par le départ des américains et les quotas de pêche, fait remonter les souvenirs de son histoire familiale. Lui revient en mémoire sa jeunesse dans l’ombre de son cousin Ásmundur, tant admiré, son travail dans le hareng, les filles qu’il convoitait, mais aussi ses relations difficiles avec son père, sa mère trop tôt disparue et trop vite remplacée ou la passion qui unissait son grand-père Oddur, le meilleur capitaine de pêche du fjord et sa grand-mère Margrét, qui alternait euphorie et dépression. Sa famille, ses amis, des hommes et des femmes, poètes et rudes à la tâche, qui peuplaient cette terre perdue, la ‘’plus noire de l’Islande’’, devenue la plus grise depuis qu’on les a privés de leur seul moyen d’existence. Qu’espère-t-il en revenant ? Un rapprochement avec son père ? Une réconciliation avec Þóra ? L’idée, peut-être, d’être chez lui, au bon endroit, au bon moment…

    Où l’on retrouve toute la poésie de Jón Kalman Stefánsson qui sait si bien décrire les paysages âpres de l’Islande et l’âme de ses habitants. Dans les pas d’un narrateur qui restera inconnu jusqu’à la fin, il nous emmène dans la région de Suðurnes, au sud-ouest de l’île. Y cohabitent les vestiges d’un passé glorieux et les tentatives désespérées des autorités locales pour faire revivre ce territoire oublié de tous. Entre terre et mer, passé et présent, l’auteur raconte une chronique familiale universelle : le temps qui passe, les choix, bons ou mauvais, les décisions que l’on prend, mûrement réfléchies ou sur un coup de tête, les pertes que l’on subit, les héros, les moutons noirs, les femmes et le mal qu’on leur fait, les mille et une façons de faire face aux poids de l’existence…
    Poétique et sensuelle, tendre et humble, l’écriture de Jón Kalman Stefánsson est un enchantement sans cesse renouvelé. Il sait si bien décrire les hommes et les femmes d’Islande, dévoilant leur âme, leur lumière, leur part d’ombres. Pour l’apprécier, il faut savoir lâcher prise, accepter de ne pas tout comprendre, se perdre dans l’espace-temps, voguer avec lui sur la mer déchaînée ou arpenter la terre volcanique d’Islande, se laisser guider par cet orfèvre des mots, cet explorateur des profondeurs de la condition humaine. Un très grand auteur.


  • Conseillé par
    22 février 2016

    Bon, bon, bon, bon, bon... enfin, plutôt, mouais, mouais, mouais, mouais, mouais... Me voilà bien embêté, parce que je lis beaucoup de recensions très bonnes sur ce roman et qu'il m'a été conseillé. Oui, mais, je suis passé totalement à travers. A part quelques beaux passages (notamment ceux qui concernent Margrét et Oddur les grands-parents), je n'ai jamais réussi à trouver la porte d'entrée de ce roman. Les digressions, parenthèses et interventions de l'auteur sont oiseuses, énoncent des évidences sans vraiment y apporter de plus-value, qu'elle soit réflexive ou littéraire. Pis que cela, elles empêchent de bien suivre les histoires des héros, déjà pas simples à saisir du fait de l'écriture de l'auteur que j'ai trouvé assez désagréable -d'aucuns parleront ici de poésie, c'est sans doute cela, la poésie et moi avons des rapports compliqués, soit ça fonctionne parfaitement, soit ça casse tout de suite-, les différents narrateurs, les passages du "je" au "il" voire au "nous" sans vraiment de séparation claire. A dire vrai, dès le début, je sens que cet ouvrage ne m'emballera pas, et mon impression s'avère. Je ne comprends pas les citations en incise ou dans le texte, le style m'agace, c'est trop flou, je ne sais pas où veut et va en venir JK Stefansson, trop d'entrées, trop bavard, trop long. Une logorrhée insupportable pour moi. Je l'avoue ici, je fais ma confession -merci mon père-, je me suis arrêté bien avant la fin, je ne me sentais ni la force ni l'humeur de supporter cette inconsistance et cette incompréhension totale comme rarement il m'arrive de ressentir, pendant plus de 440 pages !


  • Conseillé par
    8 septembre 2015

    Après avoir quitté femme et enfants et s’être installé au Danemark, Ari revient en Islande à Keflavík. Il aura fallu un paquet envoyé par son père pour qu’il retourne sur la terre de sa famille et le lieu où il a grandi : Keflavík un ancien village de pêcheurs flanqué d’une base américaine qui aujourd’hui périclite.
    Dès les premières lignes, la magie opère. L’écriture de Stefansson traduite admirablement par Eric Boury se délecte. Un roman et un siècle d’histoire, trois générations depuis Ari à ses grands-parents Margrét et Oddur. Oddur marin respecté dont l’épouse Margrét à la beauté sensuelle sombrera dans la mélancolie comme ayant oublié ce qu’était le bonheur. Une époque où la pêche permettait de vivre car les règles économiques et les systèmes de quotas n’avaient pas été imposés. Quand Ari a quitté l’Islande brutalement, « il s’est fait fuir lui-même. Ou peut-être est-ce que c'est sa vie qui a déclenché sa fuite, le quotidien, les choses qu’on ne règle pas, celles auxquelles il avait refusé de se confronter, ajoutées à tous ces menus détails qui s’accumulent sans qu’on y prête attention parce que, je le suppose, nous sommes trop occupés, trop négligents, trop lâches, pour toutes ces raison-là peut-être », cette époque était déjà révolue.
    « Celui qui ne ressent aucune souffrance et n’est pas bouleversé face à la vie a le coeur froid et n’a jamais vécu ». A la lecture de cette phrase et de très nombreux passages, j’ai été plus qu’émue. Parce que ce roman nous parle de la vie, de la mort, des sentiments, de l'art. C’est un voyage en Islande mais également un voyage introspectif. S’y mêlent la beauté rude des paysages et de la mer, celle d’une écriture qui allie simplicité, poésie et nous marque durablement. Le flirt de l’existence avec la mort, la mélancolie soufflent tout au long de ces pages mais jamais ce roman n’est plombant. C’est tout l’art de Stefansson qui une fois de plus m’a touchée-coulée…


  • 22 août 2015

    Mr Stefansson entremêlant 3 époques, 3 générations, nous entraînent en Islande, nous permettant ainsi de traverser 1 siècle de cette île superbe. Lorsque ARI atterrit à KELLAVIK, il foule la terre de ses ancêtres, de ses enfants, se dirige vers sa mémoire, celle de ses grands-parents, celle de son enfance et vers le souvenir de sa mère décédée. Tous les personnages de ce roman sont merveilleux : leurs figures sont bien marquées par le sel de la mer et par la lyre, deux symboles qui marquent l’Islande. Il y a Ari, l’ancien poète, la grand-mère Margret, pour certains, démente, pour d’autres très sensuelle et attirante, surtout lorsqu’elle dénoue ses cheveux… entre folie et érotisme, Stefansson nous captive.