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    18 janvier 2014

    Charlotte âgée de dix-sept ans va comparaître devant le juge pour avoir tué son père. Elle a commis cet acte pour se libérer de sa prison.
    Une belle maison, un père qui a un bon travail et qui sait manier les mots, une mère qui est une fée du logis et mijote de bons plats. La façade parfaite que bon nombre de personnes peuvent envier. Mais derrière cette porte, derrière cette fausse ambiance et ce simulacre de la famille heureuse, il y a l’enfer que vit Charlotte depuis ses sept ans. Son père lui a repeint sa jolie chambre de petite fille où les nouveaux jouets et livres abondent. Malgré son jeune âge, elle a compris que son père bat sa mère qui encaisse sans broncher.
    Alors qu’une copine est venue admirer sa toute nouvelle chambre, Charlotte ravale sa salive en entendant le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvre.

    Son père est rentré et une fois de plus, il lève la main sur sa mère. Pour avoir mis ses mains sur ses hanches et affiché une mine renfrognée, son père la punit. Elle va dormir dans la cave, pas une nuit, non, mais toutes les nuits. A côté des sacs de pommes de terre, il a mis un lit et un bureau. Voilà sa nouvelle chambre. Préméditation flagrante de son père qui avait pris ses précautions avant que sa fille ne raconte à quiconque ce qui se passe chez eux. A l’école, Charlotte est mise à l’écart ce qui l’arrange.
    Elle vit sous les menaces de ce père manipulateur, narcissique qui ira jusqu’à l’enchaîner dans son lit quand un jour elle voudra dormir dans sa chambre. Elle nous raconte comment ses grands-parents n’ont rien vu quand ils venaient , la "fille chérie" découvrant sous l’insistance perverse de son père « mais montre ta chambre » une vraie chambre d’ado où elle ne dort pas. Son isolement, ses notes trop basses vont déclencher un contrôle mais personne ne devinera ce que dissimule son armure de silence car Charlotte encaisse beaucoup, trop. Sa mère n’a jamais essayé de protéger la chair de sa chair en cassant ce carcan. Son attitude d’épouse soumise créée chez sa fille un abîme. Tout avouer ? Se taire encore ? Torture supplémentaire de l’esprit avec toujours cette peur, cet espoir que tout ça cesse un jour. Sa seule échappatoire est la lecture qui permet de s'évader de sa geôle.
    Quelques heures avant de passer devant le juge, Charlotte consigne le tout dans un cahier qu’elle va remettre au juge pour qu’il la lise. D’une volonté inflexible, déterminée à ce qu’on ne lui vole plus sa vie, elle la victime dont la société n'a pas su déceler la détresse.
    Sans larmoyant et avec une incroyable justesse, la distance et la volonté de Charlotte nous sautent au visage. L’écriture de Céline Lapertot est sur le fil du rasoir et il le fallait car la maltraitance et les oripeaux dont elle se pare, de l’enfance et de l’adolescence saccagées sont des thèmes peu faciles. Ce livre est dur et les mots adressés au juge en aparté sont comme des gifles… Oui , dur et douloureux, mais si criant de cette vérité qui existe bel et bien. J’ai terminé ce livre avec l’impression d’avoir reçu un uppercut et cette envie de crier.