Enig Marcheur / roman
roman
De Russell Hoban
Traduit par Nicolas Richard
Préface de Will Self
Monsieur Toussaint Louverture
Lire à voix haute
Enig Marcheur est un livre qui vous irrite, qui vous lie, qui vous saisit. Le monde qu'il dépeint est celui que nous laisse une catastrophe, nucléaire sans doute, où notre histoire n'est plus que traces obscures et inquiètes dans les mémoires des survivants. Le monde d'Enig est celui qui nous fait dieux d'une mythologie futuriste. Il veut comprendre et à nouveau pouvoir raconter l'énigme des origines, celle de son monde, qui prend racine dans la chute du nôtre. Il témoigne pour d'autres personnages en quête de ce début, dans une langue qu'on ne reconnaît qu'en la parlant.
C'est que comme notre histoire, la langue d'Enig et de ses contemporains s'est effondrée et si elle garde un sens, plus rien de solide ne la supporte. C'est une langue instable où la grammaire, comme la mémoire, n'est plus. Et c'est la langue qui pourtant peut faire renaître un monde meilleur, le reconstruire en permettant à nouveau la narration de l'histoire. Enig Marcheur est un roman troublant qui, bien plus que d'avenir, parle de l'origine de ce qui fait l'humain, nous dit combien la langue est fragile, et comment elle peut emporter un monde avec elle. Un livre à parler plus encore qu'à lire.
Pas si triste
Non, ce livre n'est pas triste. Il entre, par la poésie, dans le débat du jour sur la fin de vie. C'est un livre sensible qui laisse entendre que la vie reste la vie et que les choix, même définitifs, en font partie aussi.
Père dû et retrouvé
Alzheimer est une maladie sans pitié. Il est pourtant parfois de ces miracles qui bouleversent l'inéluctable et dénichent la vie jusque dans son terme annoncé. Tendre et magnifique.
Dans ce récit autobiographique, Arno Geiger nous parle de la déchéance de son père atteint de la maladie d'Alzheimer. Tout est rendu plus difficile encore entre le père et le fils, alors que leur relation était déjà entre distance et tension. C'est pourtant dans cet affaiblissement d'un homme peu commode et la découverte, pour le fils, de la tendresse qu'il éprouve pour le vieil homme qu'une nouvelle rencontre va progressivement se tisser, malgré l'oubli, malgré cette maladie qui isole et angoisse.
L'art du maître
Après trois biographies littéraires, Jean Echenoz revient au roman, et c'est pour nous donner le livre d'un maître. Avec ce texte très court, il évoque la grande guerre dans son ensemble, ce qui l'a précédée, ce qui l'a suivie, dans une forme aussi sobre que son titre. Comme toujours avec Echenoz, on a l'impression de pouvoir raconter l'histoire en quelques mots, et comme d'habitude il nous fait voir ce que voient les personnages, et vivre dans leur temps. C'est son sortilège, vous n'avez que quelques lignes pour y échapper.
Mondialisation, le roman
Lorsqu'on lui pose la question, Fabrice Humbert précise qu'il écrit, depuis "La fortune de Sila", des romans économiques. S'il met en scène l'économie, il le fait comme une divinité du temps présent, qui joue avec les hommes comme jadis les dieux grecs. Dans cette mythologie moderne, il donne corps et chair à l'histoire au travers de personnages en prise avec la violence d'une mafia mondialisée. Pour ce dernier opus en effet, Fabrice Humbert met en scène l'économie parallèle de la drogue, de la Colombie aux banlieues déshéritées de région parisienne, deux familles dont le destin va basculer. Sans concession, brutal et littéraire, il nous raconte notre temps à la manière d'un formidable narrateur.