Bois sauvage

Jesmyn Ward

Belfond

  • Conseillé par
    12 septembre 2012

    La vie est un combat !

    Jeune romancière américaine que je découvre grâce à cette rentrée littéraire. Ce roman a obtenu le National Book Award. Née dans le Mississippi elle réside dorénavant en Alabama.
    Dix jours pour se préparer à survivre à l'ouragan Katarina. Mais en plus de ces préparatifs il faut vivre dans des conditions habituelles, mais précaires. Chacun dans cette famille noire a ses occupations et préoccupations. Ce n'est pas l'opulence, la prairie où fut bâtie la maison est nommée par dérision "La Fosse".

    Le père un peu alcoolique fait laver des bouteilles sales et tente de réparer une benne à ordure qui traîne dans le capharnaüm du jardin, en espérant gagner de l'argent après ! Esch, elle fait l'amour avec Manny son dernier amant en date. Elle se remémore aussi sa vie, celle d'avant quand sa mère vivait, elle se souvient des hommes qu'elle a subi ou accepté depuis déjà plusieurs années. Skeeter aide China, pitbull de combat, à accoucher, combat là aussi pour la vie, dès la naissance les chiots ne sont pas égaux, certains sont morts-nés ou malades et éliminés. Dure loi de la vie. Randall et Junior aussi participent à cette lutte de tous les jours, la violence familiale est latente , en particulier entre Skeeter et son père. Skeeter est aux petits soins pour China et sa progéniture, son père obnubilé par l'argent qu'est susceptible de rapporter l'ouragan qui s'approche....Ces deux conceptions de l'urgence ont du mal à cohabiter, les enfants et les adolescents jouent, comme tous le américains des quartiers défavorisés, au basket....le père maugréé pour un oui ou pour un non....Les jours passent...l'ouragan est baptisé Katrina ce qui fait dire au père, "un nom de gonzesse, ce sont les pires"...Hélas, il ne se trompait pas.
    Ce monde est dur et cruel pour les humais comme pour les animaux.
    Un portrait saisissant d'une fratrie noire américaine du Mississippi, pas des pauvres blancs comme c'est souvent l'habitude dans les romans du sud, ici ce sont des gens de couleur plutôt misérables. Leurs préoccupations sont les mêmes ! Survivre !
    Toute la famille avec la narratrice au prénom Esch aussi étrange que certainement imprononçable ! Petit bout de femme, son innocence est loin derrière elle et en tant que fille, elle remplace la mère décédée. Mère elle le sera sûrement bientôt car elle est, malgré son jeune âge, enceinte. Elle invoque très souvent la mythologie grecque en particulier Médée et Jason enjolivant ainsi ses relations avec Manny qui lui irait volontiers voir ailleurs. Skeeter aime par dessus tout les chiens et en particulier China. Mais cet amour pour, très profond qu'il soit, n'en est pas moins très intéressé ; un chien de combat doit rapporter de l'argent et pour cela il doit être en forme et gagner !
    Beaucoup de personnages secondaires, surtout des jeunes le père étant le seul adulte mentionné parmi les vivants.
    Une écriture simple proche du parlé qui colle bien au récit du quotidien d'une famille rurale du sud profond même si parfois la tournure de certaines phrases surprend, avec l'absence totale de négation pas de ne ou de n'!
    J'ai malgré tout un sentiment mitigé à la lecture de ce roman qui se lit relativement bien mais de là à avoir été couronné (à la surprise générale, si j'en crois la quatrième de couverture) du prestigieux "National Book Award", il y a un monde que je ne franchirais pas, malgré un final très réussi.


  • Conseillé par
    30 août 2012

    En attendant Katrina.

    L’ouragan Katrina (2005) est l'un des ouragans les plus puissants dans l'histoire des États-Unis : environ deux mille personnes sont mortes.
    Avec son œil large de 40 kilomètres, ses vents ont pu atteindre jusqu’à 280 km/h.

    «Je suis petite mais je vois bien des choses. Mon corps est un oeil sans limite qui malheureusement, voit tout.» (Gloria Fuentes)

    C’est Esch qui raconte. Elle a quatorze ans.
    Elle vit avec ses frères : Randall, Skeeter et Junior.
    Et le père qui tient une casse. Il récupère tout ce qui ne sert plus à rien.
    Il récupère surtout des bouteilles d’alcool, ça peut servir.
    Le père boit souvent la tasse.


    La mère est morte en donnant la vie au petit dernier, Junior.
    «Elle est restée accroupie à hurler jusqu’au bout. Junior est né violet comme un hortensia : la dernière fleur de sa vie. Quand papa lui a montré, maman l’a effleuré du bout des doigts comme si elle avait peur de la flétrir, sa fleur, d’éparpiller le pollen. Elle refusait d’aller à l’hôpital. Papa l’a portée jusqu’à la voiture, le sang coulait à ses pieds, on ne l’a jamais revue.»

    C’est cru, c’est rude, c’est violent dans le style.
    C’est cru, c’est rude, c’est violent dans le bayou.

    Ils vivent dans la Fosse, au milieu de la clairière, dans le bayou du Mississipi.
    Le Mississipi, berceau du blues, de la ségrégation et de la misère.
    L’arbre misérable qui cache la riche forêt des Etats-Unis.
    Des vieilles dames en bigoudis et en pantoufles, avec des T-shirt trop grands. Des filles en survêt et en débardeur. Des garçons à casquettes et baskets sur leurs vélos. Voilà pour le décor.
    Les jeunes passent du sale temps en se baignant dans une mare infestée de puces, en jouant au basket dans des semblants de paniers, en fumant de la mauvaise herbe, en élevant des chiens pour les entraîner aux combats, en faisant l’amour à la «va-comme-je-te-pousse."
    Chienne de vie !
    En attendant Katrina : clouer des planches sur les fenêtres, faire le plein du pick-up et le mettre à l’abri, rentrer des bouteilles d’eau, mettre à cuire tout ce qu’il y a dans le frigo, et attendre, attendre que ça passe.
    Et ça passe et ça casse.
    «L’ouragan hurle, l’eau et le vent se précipitent par la fente, on regarde, les yeux presque fermés. J’ai de l’eau au-dessus des cuisses. La maison penche encore.»

    L'écrivaine américaine Jesmyn Ward remporte le prestigieux National Book Award 2011 pour «Bois Sauvage».
    Doté de 10 000 dollars pour le lauréat, le National Book Award est l'une des plus prestigieuses distinctions littéraires des Etats-Unis.
    Lors de la cérémonie de remise de prix, Jesmyn Ward a déclaré que c'était la mort accidentelle de son frère qui l'avait poussée à devenir écrivaine. Elle a alors pris conscience que la vie était "quelque chose de fragile et d'imprévisible".

    Lecteur touché en plein coeur de l’ouragan.
    Touché par les coeurs en vrac d’une famille afro-américaine qui bat la chamade.
    L’Amérique à coeur ouvert.
    Jesmyn Ward voit bien les choses. Des mots sans limite qui malheureusement, voient tout.
    Jesmyn Ward a l’oeil, l’oeil du cyclone !